mardi, 14 mars 2017 17:49

11 MARS 1956 : L’ETRANGE ATTITUDE DU MCA

Écrit par Farid G. mars 2017
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Pour différentes raisons qui n’entrent pas dans le sujet de cette chronique, il s’avère que l’écriture de notre histoire contient des non-dits, voire des contrevérités. Le mouvement sportif n’échappe pas, lui aussi, à ce fardage.

L'histoire des clubs musulmans pendant la période coloniale est encore mise sous le boisseau au service d’une problématique complaisante ; pourtant, il faudrait bien un jour expliquer les rapports entretenus par certains dirigeants musulmans avec l'administration coloniale et, surtout, briser cette omerta concernant la fameuse grève du 11mars 1956, décrétée par le FLN, qui n'a pas été suivie spontanément par certains clubs musulmans *.

 

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Parmi ces clubs qui n’ont pas répondu immédiatement au mot d’ordre figure le MCA. Un club sur lequel s’est tissé une sorte de mythe de porte flambeau du mouvement sportif musulman pendant la période coloniale française. Pour fortifier cette idée, on n’hésitera pas à maquiller ses heures sombres.

 

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C’est ainsi que tous les écrits (sites des supporteurs du club, ouvrages consacrés à ce club, médias **), claironnent que le MCA a été à l’origine de l’arrêt du championnat de foot ball, au mois de mars 1956.

Or, il suffit de consulter les journaux de l’époque et le bulletin de la ligue de football pour se rendre compte que le MCA n’a fait qu’emboiter le pas, contraint et forcé par la gravité des émeutes ayant suivi le match contre l’ASSE ***, au mouvement déjà lancé par d’autres clubs musulmans.


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Alors l’histoire était –elle trop belle ? Certainement pas. Le MCA demeure ce club emblématique qui a donné à la révolution nombre de martyrs (tout comme les autres clubs), et d’illustres personnages (artistes, politiciens, intellectuels...) ont été acteurs de ce club.

Cependant, cela ne doit pas nous interdire de nous questionner sur les raisons qui ont conduit les dirigeants du MCA de l’époque à ne pas adhérer spontanément au mot d’ordre de grève des compétitions sportives.

Cette question, je l’ai posée à des dizaines de personnes ayant vécu cette période mais également à des personnes connues pour leur intérêt pour l’histoire du mouvement sportif national. Toutes ont été unanimes pour confirmer que le MCA était réticent à faire la grève et qu’il a fallu la pression du FLN et celle de la rue pour les (dirigeants) obliger à suivre le mouvement.

Cependant aucune d’entre elles n’a été en mesure de me donner les raisons qui ont poussé les dirigeants à ne pas suivre la grève.

Une question qui demeure, pour le moment, sans réponse plausible.

Farid G. mars 2017

* Le NAHD, l’OMSE, l’ESMA, le CCA et l’USMA ont été les premiers clubs à déclencher le mouvement de grève. Le MCA a de son côté décidé de jouer contre l'ASSE. Ce n'est que sous la pression conjuguée du FLN (qui avait missionné des militants pour perturber le déroulement du match) et des émeutes des supporters (presse française), que les dirigeants de ce club décident de les suivre.

** Extrait d'un article sur l'histoire du mouloudia d'Alger Les matchs avec l’ASSE dérapent très vite et les forces de l’ordre interviennent avec violence à chaque fois. Le MCA demande une suspension du championnat de football, annonçant son intention de mettre fin à sa participation pour éviter la répression violente des forces de l’ordre contre ses supporters. La ligue passe outre. Les clubs algériens sont solidaires du Mouloudia : l’USM Blida, l’Olympique de Saint Eugène, le Widad de Belcourt, le Nasr d’Hussein Dey, le Riadha Club de Kouba, l’USM Marengo, l’USM Maison Carrée, l’ESMA, la JSMA, le CCA, l’USMA. Dans le reste du pays, les clubs suivent et l’USM Bel Abbès refuse de jouer la finale de la Coupe d’Algérie contre sa rivale du SCBA. Le championnat de football redémarre à l’indépendance. Boualem Touarigt in Memoria

*** Le 15 Mars 1956, la presse titrait: Le Mouloudia réclame l'arrêt du championnat ou il se retire de la compétition". Elle poursuit:" Après les incidents qui ont marqué la fin du match ASSE-Mouloudia, dimanche dernier, à St-Eugène, MM Tiar et Djazouli ont été reçus, sur leur demande, hier, par le bureau de la ligue que préside M. Rivet. M. Tiar a fait un long exposé des difficultés que rencontrait le Mouloudia et a indiqué que son conseil d'administration avait décidé que si dans les circonstances actuelles la Ligue n'arrêtait pas le championnat, il serait dans l'obligation de se retirer du championnat".

" Nous avons pris la décision d'aller à la ligue et de leur dire que nous arrêtions. Il y eut une note qui titrait "Audition de Mrs Tiar et Djazouli au sujet de la cessation des compétitions sportives par le MCA. Ils nous ont rétorqué: "vous savez ce que vous allez encourir, vous allez rétrograder en quatrième division", nous leur avons répondu ;" Nous préférons cela à des vies humaines sur la conscience". Nous n'avons été incités par personne, ni par le FLN, seulement par les risques encourus. C'est spontanément devant la tournure des événements que nous nous sommes arrêtés". Mouloud Djazouli.

Légende des photos : de haut en bas:

1. Le 11 mars 1956, le mouloudia dispute son match contre l’AS Saint Eugène.

2. Un passage du livre de Abdenour Belkheir consacré au Mouloudia, laissant croire que les autres clubs arrêtent à leur tour (donc après le MCA)

3. Un fac similé d’une coupure de presse de l’époque annonçant que le MCA menace de suivre le mouvement de grève lancé par d’autres clubs.

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